Réparation : « Un engagement moral »

Paris Notre-Dame du 2 février 2023

Le 19 janvier, France 2 a diffusé l’émission Complément d’enquête sur l’indemnisation des personnes victimes de violences sexuelles dans l’Église, laissant supposer une volonté de minimiser l’engagement financier auprès des victimes de la part des diocèses. Décryptage avec Jean Chausse, économe diocésain, sur les chiffres donnés pour le diocèse de Paris.

Jean Chausse, économe du diocèse de Paris.
© Jack Tribeca

Paris Notre-Dame – Dans l’émission Complément d’enquête du 19 janvier, deux chiffres sont donnés concernant le diocèse de Paris : un patrimoine immobilier de 238,8 millions d’euros et une trésorerie disponible de 186 millions. Que dire sur ces chiffres ?

Jean Chausse – Ils sont exacts, le chiffre de trésorerie est d’ailleurs public. Quant à l’estimation du patrimoine immobilier, je précise qu’il s’agit du chiffre historique comptable, c’est-à-dire celui enregistrant la valeur des biens immobiliers au moment de leur acquisition. Aujourd’hui, vue l’augmentation du prix du mètre carré à Paris, cette valeur serait revue à la hausse. Cela peut laisser penser que l’Église, qui pourtant appelle continuellement aux dons, est en réalité assise sur un tas d’or, déposé en banque. Il me semble important de clarifier certains points. Prenons d’abord le chiffre de trésorerie. Le fonctionnement de l’Église repose quasi exclusivement sur des dons – dont le montant est par définition fluctuant – qui financent des engagements qui, eux, sont certains : le salaire et le logement des prêtres, le salaire des personnes travaillant pour le diocèse et les budgets alloués à des associations caritatives. Cette trésorerie, qui correspond à peu près à deux ans d’exercice, est une mise en réserve en cas de situation de crise, qui est non seulement un gage de solidité, mais aussi l’assurance qu’on ne mettra pas en situation de précarité les prêtres, les salariés et les associations soutenues, en cas de coup dur.

P. N.-D. – Et concernant le patrimoine immobilier ?

J. C. – Il faut d’abord préciser que je parle du patrimoine immobilier rattaché au diocèse de Paris, et non de celui de l’Église à Paris qui englobe aussi le patrimoine de la nonciature (Vatican) et des nombreuses congrégations religieuses. Cela étant dit, on peut considérer, en arrondissant les chiffres, que le diocèse de Paris – à travers différentes structures, héritées du contexte historique et liées pour une partie d’entre elles au maillage paroissial – possède environ 800 000 mètres carrés dans Paris, avec cette répartition : à peu près 400 000 mètres carrés dévolus aux écoles privées catholiques, 300 000 mètres carrés pour des locaux consacrés à la pastorale (églises post 1905, presbytères, salles paroissiales, patronages, aumôneries, etc.) et 100 000 mètres carrés d’immeubles de rapport. Là encore, on peut trouver choquant d’investir dans des projets immobiliers générant des revenus. Le débat est ouvert. Mais je vous donne un chiffre : en 2021, les revenus bruts de ces investissements immobiliers sont de 25,4 millions ; après entretien des bâtiments, il reste 12,3 millions, une somme qui couvre à peine l’entretien des 300 000 mètres carrés consacrés à la pastorale et aussi à la solidarité, grâce à toutes les initiatives locales dont regorgent les paroisses (maraudes, aides alimentaires, cours d’alphabétisation, etc.). Ces revenus permettent de donner des moyens à la mission de l’Église, qui est celle d’annoncer l’Évangile, d’enseigner et de prendre soin de son prochain.

P. N.-D. – L’émission s’étonnait que les diocèses donnent si peu d’argent au fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs (Selam) par rapport à leur fortune estimée. Comment expliquez-vous les montants versés ?

J. C. – J’engage chaque lecteur de Paris Notre-Dame à lire les précisions apportées par la Conférence des évêques de France au lendemain de l’émission [1]. Concernant le diocèse de Paris, 700 000 euros ont déjà été versés et nous avons fait une promesse de dons de 2 millions, un montant qui n’est pas financé par le denier de l’Église. Sur les 20 millions demandés par le fonds Selam en janvier dernier, nous participons donc à hauteur de 2,7 millions. Et nous nous engageons à abonder ce fonds autant que nécessaire, puisque nous [les diocèses, NDLR] avons pris l’engagement moral de garantir le versement des réparations aux personnes victimes d’abus.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

[1Éléments d’explication au sujet des ressources de l’Église et du travail des instances de reconnaissance et de réparation qu’elle a mises en place, à lire sur eglise.catholique.fr

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